Constance Benqué
Présidente de Largardère Active Publicité.
Le média center, réalité technologique ou sociologique ?
Délinéarisation, mobilité, simultanéité, TV/PC centric, VOD, PVR, Set up box, ego casting, TNT, podcasting… le langage média prend de nouveaux accents sociologiques et technologiques. Bulle de modernité ou reflet de la mutation des comportements ? L’explosion du tout numérique est incontestablement la révolution médiatique la plus importante depuis la libéralisation audiovisuelle dans les années 80. Structurante des attitudes de consommation média, structurante des modèles de distribution des contenus, structurante des schémas publicitaires.
Plus de 70% des 16/20 ans déclarent consommer aujourd’hui plusieurs médias en même temps. Ces mêmes individus passent aussi de plus en plus de temps hors de leur domicile. Près de 8h30 en moyenne par jour, c’est une heure de plus qu’il y a cinq ans. Près de la moitié d’entre eux ont une consommation média qui varie significativement en fonction de leurs opportunités quotidiennes. De plus en plus sélectionnent, au-delà des contenus, leur moment de consommation personnelle.
L’individu en tant que Média Center est une réalité, un Média Center mobile, sélectif et asynchrone. Ces techno-boomers sont dès aujourd’hui le public à conquérir pour les médias car ils représenteront demain la principale source de revenu des grandes marques de consommation.
Les médias historiques face à la fragmentation structurelle des audiences et face à ces nouveaux comportements ont choisi la voie de la démultiplication des canaux de distribution pour garantir les audiences d’un programme avec une stratégie cumulative. Le programme devient une marque ombrelle à décliner en fonction des usages et des médias.
C’est aussi la manière de concevoir un programme sur le support premium qui est bouleversée. S’il fallait retenir un exemple, celui de l’information est assez signifiant. L’accessibilité permanente à l’information par les médias numériques et nomades implique une réflexion sur la production de l’information de demain en télévision, plus conversationnelle, plus relationnelle, moteur d’opinions. La grande messe du 20 h ne serait sinon qu’une énième formulation des multiples stimuli intégrés tout au long de la journée.
Cette réflexion commence à irradier aussi les programmes de fiction. Ainsi toute la chaîne de valeur média est mise à profit de la sitcom télévisée « Sophia’s Diary » du producteur portugais Be Active. Les relais numériques permettent aux téléspectateurs d’enrichir leur connaissance de l’univers de Sophia et d’influer sur le sens de l’histoire par système de votes par téléphone en temps réel.
Les modèles publicitaires doivent aussi s’adapter. L’ère de l’opposition des médias est révolue. C’est vers un médiaplanning d’optimisation des combinaisons médias que réside le succès. Les discours publicitaires doivent s’organiser en tenant compte de la nature des médias et de la hiérarchisation de leur consommation. Les formats créatifs également en conjuguant rationnel et émotionnel et en s’adaptant à la taille des récepteurs.
Reste la mesure de l’audience. Aujourd’hui mono-média et répondant à un système de consommation linéaire, le salut de la rentabilité des actions passe par une vision single source des consommations médias plurielles.
Mercredi 25 janvier 2006.
Constance Benqué
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L'un des tout premier secteur à être touché par la révolution technologique est bien celui de la communication car il bénéficie de progrès techniques époustouflants en termes de miniaturisation et de mobilité. Mais c'est surtout parceque cette révolution permet, enfin, aux membres de la société de s'exprimer et d'échanger les questions que l'être humain se pose depuis qu'il existe, que, plus que jamais, les hommes et les femmes discutent, chatent, échangent, filment, photographient, donnent leurs avis sur tout et rien.
Derrière cette explosion de communication, soutenue par une multiplicité des supports, se dessine une indépendance du récepteur qui devient, de plus en plus, émetteur lui-même. C'est vers cette individualisation chaque jour plus fine, déjà annoncée par Attali en 1981 dans "Les Trois Mondes" que la société contemporaine se dirige.
Il se crée, sous un certain angle d'approche, une fragmentation de l'audience, certes, mais, perçue sous un autre angle, nous pourrions dire que le public ne se fragmente pas en fait, il s'approprie simplement les nouvelles technologies, il saisit les outils qui correspondent à son besoin de transmettre ses informations spécifiques, quelles qu'elles soient, techniques, scientifiques, émotionnelles, spirituelles, analytiques, synthétiques...
C'est cette vision plurielle, cette ubiquité constante, qui, à mon avis, caractérise le plus la communication de nos jours et dans l'avenir. Une multitude de canaux pour une infinité de messages!
Alors, bien sûr, l'adaptation des mastodontes qu'étaient devenus les télévisions monopolistes d'un message uniforme se fait avec plus ou moins de bonheur.
Certaines ratissent large, créant des formats qui englobent les masses, fournissant une unité dans la simplicité d'un processus de production vertical: émission à vedettes auto-promotionelles, distribution des produits dérivés dans les grandes surfaces, événementiel directement lié à l'axe de promotion...
D'autres se diversifient, associant médias classiques (télévision, radio et presse) aux nouvelles technologies en constant développement (mobile content, enews-letters, foras, blogs, vlogs), construisant des stratégies multithématiques et pluridisciplinaires et jouant sur l'ensemble des supports disponibles.
Face à cette exhubérance d'information, à ce foisonnement de communication, le consommateur contemporain a appris à "jongler" avec les différentes sources, il maintient plusieurs discussions en parallèle sur son ordinateur, il reçoit un flot continu d'informations pointues sur des thèmes qu'il a choisit, il compare les titres de journaux du monde entier en temps réel, il échange de la musique, parfois même celle qu'il a composée lui-même, il exhibe ses vidéos à partir de son site... Quand il est dehors, il envoie des sms, filme ce qui le surprend et le partage en mobile content... Quand aux raves, c'est à l'instantané de la surprise et à un beat électronique qu'il se confie, non plus en tant qu'entité mais en tant que groupe...
Cet entourage d'ultra-connectivité n'en reste pas moins un entourage, un environnement. C'est un décor, ce n'est pas le message.
L'écrivain du message, le stratège en communication, doit lui aussi s'adapter à cet environnement et l'information qu'il transmet agit sur un univers multi-systémique, chaque support ayant sa logique mais aussi dans une dimension supra-systémique, l'ensemble des supports contruisant une société de la communication en pleine mutation.
Afin de conserver son impact, le message doit ainsi couvrir tout le champ des applications technologiques, classiques et contemporaines, dont il va se servir pour transmettre l'idée qu'il véhicule.
Ce qui est surprenant c'est qu'alors que se dessine une convergence des plate-formes technologiques, c'est finalement la cohérence du message qui fait la réussite de la communication. Nous voici donc, je crois, face au paradoxe même des campagnes de communication à venir, leur efficacité repose sur une convergence technologique virtuelle qui permet de démultiplier les messages et ainsi couvrir la divergence des points de réception. Le communicateur devient alors ce point focal qui à la fois synthétise la structure du message et puis le projette sous une multitude de formes différentes mais cohérentes entre elles.