mercredi 4 octobre 2006

Sur l’idée d’interdire les sondages 6 semaines pour l’honneur de la démocratie et de la presse

Les sondages sont interdits dans la course finale d’une élection. Ils le sont pour des raisons très claires et simples. Ils brouillent l’attention et l’intention. Ils peuvent influencer les électeurs alors que l’heure est à la comparaison candidat-candidat, programme-programme.

Dans la compétition des socialistes, les sondages sont un cas formidable de phénoménologie politique et sociale.

Ils sont totalement à part. Ils sont effectués sur un corps social qui n’est pas celui qui votera, ils influencent de l’extérieur des gens qui sont censés influencer l’extérieur de leur intérieur. Ils sont également l’enjeu d’un trophée qui nous dépasse, celui qui confirmera le triomphe de la démocratie d’opinion sur la démocratie de la raison et des projets.

Alors une proposition : les medias français s’enorgueilleraient de reconnaître le côté spécifique du débat socialiste, et sur ce sujet, devraient décréter une non publication des sondages tout de suite, à moins qu’ils ne soient fait sur le corps qui votera. Voilà une décision qui montrerait leur prise en compte des évolutions sociologiques et les libérerait du soupçon de cynisme.

Le Point, jeudi, publie un sondage sur l’image des présidentiables du PS, réalisé alors que Laurent Fabius n’a pas fait sa déclaration de candidature ! Le Figaro ce week-end publie un sondage qui répond à la même logique. Laurent Fabius est l’immense vainqueur de Lens, il domine de la tête et des épaules le débat, aucun sondage ne sera fait les jours qui suivent. Aucune étude ne viendra sanctionner ce bouleversement qui s’est opéré ce jour dans la tête des militants socialistes.

Les instituts, les news, les grands quotidiens ont un intérêt objectif commun. Ségolène doit aller jusqu’au bout, autrement ils ne pourraient plus jamais exercer leur magistère rédactionnel. Cette fois, ils ne se trompent pas, le duo doit aller jusqu’au bout. Des gens, tentés de voter Laurent Fabius, se diront pourquoi le faire, le vote utile, c’est un/une autre. Là est l’horreur démocratique et méthodologique. Imaginons un autre sondage : dans la fédération socialiste du Nord, sur les encartés PS. Il donnerait Laurent Fabius à 30 % hypothèse basse, et 45 % hypothèse optimiste. Voilà ce qu’il donnerait !

Imaginons le séisme. Que seraient alors le discours, les débats, les pronostics ? Quelle force auraient les arguments des uns et des autres ? Se rend-t-on seulement compte que l’on sonde ceux qui ne voteront pas et que l’on se sert de l’argument du vote utile, alors qu’en politique française, on sait bien qu’une fois désigné, le candidat choisit par le PS sera soutenu par toute sa famille ?

Aujourd’hui, au nom de l’opinion, tous les débats peuvent s’escamoter, tous les concepts de Ségolène Royal sont ambivalents, l’Europe, le SMIC, les 35 heures, la carte scolaire, les débats sont impossibles au nom de l’opinion demanderesse de sa candidature théologique et messianique. A l’UMP, le débat est plus simple, en congrès, sur un sujet autre certes, mais cela ne trompe personne, le vrai corps électoral s’est prononcé.

La démocratie française explore des pratiques nouvelles. Le Parti Socialiste est bien sûr un espace privé, mais l’importance de son action et la pratique l’ont mis de plein pied dans l’espace public. Le législateur ne pourra pas statuer sur ce sujet pour cette fois et pour cause, le calendrier est lancé alors que ces lignes s’écrivent. Seule l’auto saisine des organes de presse peut nous faire retrouver l’honneur en passe d’être perdu du débat politique.

Par Philippe Lentschener, le 4 octobre 2006.

Posté par le 4 octobre 2006
Société
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[+/-]  Le 5 octobre 2006 - 15:45 Emmanuel a dit :

C'est là tout le problème de la télé et du média spectacle. A vouloir trop raconter une histoire d'information on finit par suivre un espèce de scénario que l'on veut écrit d'avance. Le scénar de 2007 c'est Sarko contre Sego de la même façon que les média rêvaient en 2002 de la superproduction Jospin-Chirac et que ces incompétents d'électeurs, mal briéfés sans doute par la prod ou fatigués du mauvais feuilleton qu'on s'acharnait à leur servir, on changé la fin !
Le rôle de Fabius dans le casting 2007 me semble malgré tout compromis tant le rôle du perdant de gauche me semble d'ores et déjà être attribué à Ségo. Après, on connaît la fin : contre toutes attentes et parce qu'on a pas voulu l'exorciser avant, le grand méchant Le Pen menace le monde et la liberté. Les Français se tournent alors en masse vers le plus petit des grands sauveurs. On l'aime pas, il ressemble vachement au grand méchant mais il ne nous reste plus que lui. THE END

[+/-]  Le 6 octobre 2006 - 16:30 thomas rudelle a dit :

que les instituts de sondage et d'étude fassent des dizaines de sondages stupides et repetitifs , je crois que c'est une évidence pour tout le monde. En meme temps, leurs commerciaux comme tous les commerciaux sont motivés par leur commission donc ils vendent tant qu'ils peuvent. Les sondages on les cite partout donc c'est mine de rien un excellent vecteur de communication. Certes on peut s'en émouvoir mais les sondages ne font pas l'élection on doit le rappeler. Ensuite sur Fabius il a peut etre un programme tres complet mais il a tellement montré par le passé qu'il ne le tenait pas et qu'il était avant tout social démeocrate qu'il en a perdu toute crédibilité. L'élection de 2007 se jouera sur les valeurs et de ce coté là, Fabius me semble méchamment en difficulté. C'est je pense un changement d'époque. Il tente son va tout mais avec un discours tellement brouillé depuis 20 ans, il a beaucoup perdu me semble t il.

[+/-]  Le 13 octobre 2006 - 12:03 Patrick sikar a dit :

Qui d apres vous , remplacera votre ami lambert?